De l’autre côté de la route : une investigation drôle et attendrissante

par
Partagez l'article !

Par Florence Yérémian – bscnews.fr / Eva Makovski attend impatiemment la mort dans sa maison de retraite suisse. Ancienne scientifique en physique moléculaire, elle a raté le prix Nobel suite à un scandale compromettant les laboratoires Lexo pour lesquels elle travaillait. Aigrie par cet échec, elle laisse filer ses jours entre d’abrutissantes parties de jeu de l’oie et les radotages d’Andrée, sa voisine de chambre un peu sénile. Contre toute attente, elle reçoit la visite d’une jeune journaliste qui souhaite l’interviewer sur sa carrière de physicienne. Cette rencontre singulière va remettre en cause la conscience d’Eva et faire ressurgir bien des souvenirs…

Partagez l'article !

À travers cette pièce sans prétention, Clément Koch dénonce les dérives commerciales des laboratoires pharmaceutiques n’hésitant pas à maintenir certains médicaments sur le marché malgré les risques qui peuvent en découler. Son sujet n’est en rien novateur mais il est abordé avec beaucoup d’intelligence sous le prisme du ressenti individuel. En effet, dans cette mise en scène de Didier Caron, c’est essentiellement le vécu psychologique des victimes et des intermédiaires qui prévaut. Du début à la fin de la pièce, l’on a I’impression d’être sous perfusion et de recevoir goutte à goutte les clefs d’une énigme au fil de confidences. Les personnages apparaissent les uns après les autres afin d’exposer chacun leur version des faits.: pétris de rancœur ou de cynisme, ils laissent peu à peu tomber leurs masques et révèlent enfin leurs fêlures véritables.
Au premier plan de cette partition théâtrale se distingue l’arrogante Eva Makovski, aussi belle qu’autoritaire. Derrière son visage de marbre, cette physicienne dissimule néanmoins des faiblesses de femme et des douleurs de mère. C’est à Maaïke Jansen que revient ce subtil double rôle: excellente dans le registre psycho-rigide de la chercheuse de laboratoire, l’élégante comédienne parvient aussi à lâcher prise pour s’abandonner au jeu de la confession. Comme le dit si bien son personnage: « les émotions sont des réactions chimiques », mais il arrive que même une scientifique spécialisée en sérotonine ne puisse plus les contrôler… À ses côtés, la gringalette Dany Laurent interprète la figure de sa vieille voisine, Andrée Lesueur. Du haut de ses 83 ans, cette drôle de gâteuse passe son temps à espionner Eva quant elle ne fricote pas inconsciemment avec Alzheimer. Aussi attachante que pathétique, elle amuse le public à travers ses apparitions cocasses et sa quête incessante de sucreries.
Pour gérer cette maison de retraite, il y a aussi Hortense la femme de ménage (Maïmouna Gueye). Avec ses énormes galoches et sa coupe afro, cette actrice excentrique apporte beaucoup d’humour et d’humanité sur scène surtout lorsqu’elle bassine ses petits vieux avec sa morale à trois sous. Reste enfin la partition de Laurence Pierre dans le rôle de la pseudo journaliste Michèle Lombard. Qu’elle soit sapée comme une nécessiteuse ou superbement perchée sur des talons aiguilles, cette comédienne possède à n’en pas douter un caractère aussi tenace que celui de sa protagoniste.

Malgré la nostalgie et les regrets qui enveloppent cette histoire, De l’autre côté de la route n’est nullement une tragédie. On y parle de la dépression, de l’infertilité ou des scandales pharmaceutiques mais on le fait avec de franches réparties et un humour teinté de pâtes de fruits. Bien que les dépositions finales face-caméra soient difficilement crédibles, l’écriture sensible de Clement Koch et l’enthousiasme de son beau casting parviennent à nous faire délicatement avaler cette agréable pilule théâtrale.

De l’autre côté de la route
De Clément Koch
Mise en scène Didier Caron
Avec Maaïke Jansen, Laurence Pierre, Gérard Maro, Dany Laurent et Maïmouna Gueye
1h40 sans entracte

Théâtre Michel

38 rue des Mathurins – Paris 8e
Métro : Madeleine ou Havre-Caumartin
Réservations: 0142653502
www.theatre-Michel.fr

Du mercredi au samedi à 21h
Samedi à 16h30
Dimanche à 16h45

Lire aussi :

Scène de ménage chez les Popokh

William Mesguich exalte les mémoires d’un fou

Les voisins: une pièce d’une simplicité intrigante

En avant, marche! : un hommage pittoresque à l’esprit des fanfares

Laissez votre commentaire

Il vous reste

0 article à lire

M'abonner à