Marguerite Duras : « Ce qui donne un sens à ma vie, si on peut parler de sens, c’est l’écriture »

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Par Marc Emile Baronheid – bscnews.fr/ « Ce qui donne un sens à ma vie, si on peut parler de sens, c’est l’écriture », confiait Duras. « Créer n’est pas un jeu quelque peu frivole. Le créateur s’est engagé dans une aventure effrayante, qui est d’assumer soi-même, jusqu’au bout, les périls risqués par ses créatures » (Genet in Journal d’un voleur). Deux itinéraires dissemblables, de ceux que l’on a mieux le temps de (re)visiter dans la vacance estivale.

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La Pléiade propose les deux derniers volumes des œuvres de Marguerite Duras, accompagnés d’un album dont même les sceptiques et les indifférents apprécieront la belle tenue et les commentaires mesurés. Les anti- diront que c’est la carotte de l’iconographie, avant le bâton des textes. Cela fera tout de même cinq volumes, album compris, pour en finir avec celle qui n’a pas manqué le coche de la postérité. On nous dirait qu’elle l’a guetté « sans trêve, sans repos, sans sommeil » que nous n’en concevrions nul étonnement…
Le volume III comprend L’Amant, passeport de l’embarquement pour la populace, œuvre qu’elle affectait de renier (confiant par exemple à Jean-Jacques Annaud : « L’Amant c’est de la merde. C’est un roman de gare. Je l’ai écrit quand j’étais soûle »), mais qui l’autorisait par ailleurs à dire ensuite à François Mitterrand : « Voici ce qui m’arrive, François : depuis quelque temps je suis devenue beaucoup plus connue que vous, dans le monde entier. C’est étonnant, non ? » (*). Dès lors on peut tout attendre d’elle. Pour mieux discerner les méandres, les cheminements, les postures superbes de MD, il est inopportun de lire la biographie omnidirectionnelle que Jean Vallier lui a consacrée. Elle reparaît en un seul volume, mise à jour et assortie d’une préface inédite, écrite en 2013 et concluant que la vérité de Duras est tout entière dans son œuvre. Vallier comme ultime espace de liberté dans ce que les groupies durassiennes ont transformé en une zone de non-droit ?

Avouer que l’on préfère Genet à Duras revient à proférer une hérésie. Leur champ d’action est pourtant semblablement multiforme. Saint Genet possède une dimension poétique, romanesque, théâtrale, politique, cinématographique. Il est né loin (trop ?) du sérail. Il en a décontenancé plus d’un et non des moindres, mais son œuvre prend une dimension nouvelle, à mesure que des spécialistes s’en emparent. Témoin ce dictionnaire (de Abdallah (Bentaga) à Yeux-Verts, un des trois personnages de Haute Surveillance) qui forlance l’homme à travers l’écrivain et inversement. Maître d’œuvre, Marie-Claude Hubert invite à la rencontre d’un « Ecrivain à la réputation sulfureuse comme François Villon, poète qu’il tenait en haute estime, mauvais garçon sur qui plana longtemps la menace de la relégation à perpétuité, autodidacte qui apprit la langue française, si l’on en croit ses dires, en lisant Racine et Ronsard, Genet, dès son entrée en littérature, redonne tout son lustre à l’alexandrin dans des poèmes flamboyants qui attirent immédiatement l’attention de Cocteau, fasciné par la violence de son lyrisme, par la préciosité de cette langue, parfois volontairement archaïsante, qui joue de tous les lyrismes, du scatologique au mystique ». Faisant aussi de sa vie une fiction permanente, comme la pythie de Neauphle-le-Château.

« Œuvres complètes », Marguerite Duras, volumes III et IV, publiés sous la direction de Gilles Philippe, Gallimard Bibliothèque de La Pléiade, 62 euros et 58 euros (prix de lancement)

« Album Marguerite Duras », Christiane Blot-Labarrière, Gallimard Bibliothèque de La Pléiade, offert sous conditions

« C’était Marguerite Duras 1914-1996 », Jean Vallier, Le Livre de Poche – La Pochothèque, 28 euros

« Dictionnaire Jean Genet », sous la direction de Marie-Claude Hubert, Honoré Champion ; chronologie, bibliographie, liste des entrées, 115 euros

(*) cf dossier Duras paru dans le n° 422 – février 2014 – du mensuel LIRE

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