Madame de Lafayette : la bagatelle et le sérieux

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Par Marc Emile Baronheid – bscnews.fr / Figure de proue du XVIIe siècle littéraire et intellectuel, Marie-Madeleine Pioche de La Vergne, comtesse de Lafayette, est morte le 26 mai 1693 « avec une piété admirable », comme l’écrit Racine. Cela n’a pas empêché un chanoine de Latran de la mésestimer, affichant pour l’occasion la hauteur de son inculture.

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Un grand mystère plane sur l’œuvre de Madame de Lafayette : est-elle réellement l’auteure des « œuvres complètes » qui paraissent dans la Pléiade ? Dans le cas contraire, on imagine mal Gallimard les publier. Maître d’œuvre, Camille Esmein-Sarrazin rassure d’emblée, en point d’orgue à son argumentation : « on peut néanmoins affirmer/…/ que Mme de Lafayette est bien l’auteur des récits qu’on lui attribue ». « Néanmoins », mais encore ? L’écrivaine a eu recours à des prête-noms ou à l’anonymat. La Princesse de Montpensier paraît en 1612 sans nom d’auteur, Zayde en 1670-1671 sous le nom de Segrais, La Princesse de Clèves en 1678 sans nom d’auteur. En outre, pour l’époque, l’existence de laboratoires d’écriture doit être prise en compte. Madame de Lafayette en précurseur de Monsieur de Sulitzer ? Il est avéré que pour écrire Le Princesse de Clèves, elle a bénéficié de l’assistance de La Rochefoucauld et de Segrais. Toutefois, liée à différents érudits et écrivains de son temps, elle a été très vite reconnue par ses contemporains comme une femme de lettres entrée dans l’histoire littéraire à leurs côtés. Sa correspondance mérite l’attention, qui révèle une habituée de la Cour et une femme du monde, en laquelle des voyageurs hollandais verront « Une précieuse du plus haut rang et de la plus grande volée ». Pour son ami La Rochefoucauld, la plume de Mme de L réunissait heureusement la bagatelle et le sérieux et Boileau la tenait pour la femme de France qui avait le plus d’esprit, et qui écrivait le mieux ». Toute ressemblance avec Christine Angot serait purement fortuite… Les autoportraits de 1659 mettent en avant le refus de l’amour masculin. « Heureusement pour moi, je n’ai pas l’Âme tendre ». On sait que Mme de Lafayette connut et fréquenta Madeleine de Scudéry, souvent surnommée « Sapho », dont la postérité a retenu la carte du Tendre.
Il est de bon ton de lire aujourd’hui une œuvre alliant la diversité – peu attendue – à la sublime monotonie si chère à Proust, lequel n’hésita pas à faire intervenir indirectement dans un de ses romans celle dont Madame de Sévigné faisait la lecture à l’évêque de Rennes et à quelques abbés qui en étaient ravis.

« Œuvres complètes », Madame de Lafayette, Bibliothèque de la Pléiade – Gallimard, 60 euros (prix de lancement). Cette édition, établie, présentée et annotée par Camille Esmein-Sarrazin, contient : Portraits – La Princesse de Montpensier – La Comtesse de Tendre – Lettres-Pastiches – Zayde – La Princesse de Clèves – Histoire de la mort d’Henriette d’Angleterre – Correspondance (1652-1692). Appendice : Mémoires de la Cour de France pour les années 1688 et 1689 . Avec l’habituel appareil critique, chronologique, bibliographique et un index de la correspondance.

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