Anne Wiazemski et Chantal Pelletier : Godard for ever !

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Par Marc-Emile Baronheid – bscnews.fr/ Décidément, il laisse un goût de revenez-y à celles qui l’ont approché, intellectuellement ou passionnément. Le garnement qui désossait consciencieusement le valerianum de son grand-père est mis sur le pavois, à travers deux évocations sans commune mesure. Par ordre d’apparition à l’écran, Anne Wiazemski, puis Chantal Pelletier. La première n’en finit pas de laver sa défroque de Madame Ex, au point que l’eau d’essorage est devenue transparente. Le drône d’Anna Karina n’en finit pas de brouiller le souvenir de la petite-fille de François Mauriac, laquelle voudrait persuader qu’elle n’en a cure. « Pour ma part j’eus droit à beaucoup de compliments /…/ Il m’examina des pieds à la tête, avec un sourire : – Quelle jolie femme, et d’origine russe en plus ! ». On pense à La Rochefoucauld ( la modestie ajoute au mérite, et fait pardonner la médiocrité) . Ce nouveau roman évoque mai 68, à travers le prisme de JLG et de sa smala. Les fidèles des Cahiers du Cinéma y trouveront leur provende et s’y ennuieront moins. Les gourmandes de fausses confidences auront de quoi papoter au long des séances de french manucure. Malheur aux autres !

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Chantal Pelletier c’est mieux, même si elle n’a jamais caressé de chat qui « sentait un mélange subtil d’herbes du maquis et de mimosa»… On quitte paisiblement M. Perrichon achetant un carnet pour y noter ses impressions de Suisse, pour un road movie placé sous le signe d’A bout de souffle, prélude à un envoûtement, à la mise sur orbite autour de la planète Godard. Mais ces vestales du troisième type, ce n’est pas de la groupie de sansonnet. Ici encore, la dimension autobiographique est prépondérante avec Anne, une narratrice préférant l’admiration qui dilate aux discours qui ligotent et aux poses bourgeoises fades comme une tasse de thé froid. Chantal P est passionnée par l’amour et cultive l’amour de l’amitié, à travers son trio de nanas à géométrie variable, aux mecs interchangeables, avec pour dénominateur commun le cinéma, le théâtre, les MJC, la solidarité, les utopies, les cicatrices. Aux côtés d’Anne, fille de paysans venus à la ville célébrer le culte du dieu travail, ses « plus que soeurs » : Marie, l’intello engagée, et Brigitte, la comédienne par qui l’aventure arrive. C’est le Capitaine Fracasse revu par des prototypes de femmes libres, modèle 1965. Causette avant la lettre. Les hommes ? Des passants qui passent, seconds rôles de courts métrages, car ce sont les filles qui actionnent le clap de fin. On lira ce qu’il advient des productions plus téméraires. C’est sans parler de cette prose qui est de la poésie effervescente, à l’incandescence irrésistible. C’est une écriture souple, bandante, aux ondulations suaves, aux fêlures justes. Le don si jalousé de la phrase exacte. Un bonbon acidulé que l’on brûle d’agacer, lentement, du bout de la langue, en implorant « encore un instant, monsieur le bourreau ».

« Un an après », Anne Wiazemski, Gallimard, 17,90 euros
« Et elles croyaient en Jean-Luc Godard », Chantal Pelletier, éditions Joëlle Losfeld, 14,90 euros

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