Opus Cœur: une rencontre amère entre deux solitudes

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Par Florence Gopikian Yeremian – bscnews.fr/ Monsieur Brackish vit seul et ne possède comme confident que son vieux fauteuil. Fatigué et certain de sa mort prochaine, ce professeur retraité prend à son service une jeune femme de ménage nommée Kathleen sans savoir qu’elle a été son ancienne élève. Kathleen semble franche, pudique et même un peu gourde sur les bords, pourtant elle porte en elle une haine lancinante à l’égard de Brackish : à cause de lui toute sa famille a raté sa scolarité! Son père a fini docker, sa mère plus que malheureuse quant à son mari, il en est mort. De son côté, Kathleen n’a pu terminer ses études et regorge de frustrations. À présent que ses proches ne sont plus de ce monde, la jeune veuve est bien décidée à punir le coupable de tous ces échecs familiaux. Installée chez Brackish incognito, elle fomente sa vengeance mais va peu à peu laisser s’échapper sa rancoeur en levant le voile sur un passé inattendu…

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Dans cette œuvre d’Horovitz, la comédienne Nathalie Newman tente d’interpréter le rôle de Kathleen avec beaucoup de candeur. Rancunière mais profondément humaine, elle confère à cette fille toute simple une certaine authenticité qui manque cependant de rage. Passant sans cesse de la cuisine à la buanderie, elle brique, repasse et ne fait que ruminer sa vengeance sans vraiment la laisser exploser. Son personnage est pourtant plein de fiel et l’on aimerait la voir crier, fondre en larmes ou se ruer avec acharnement sur cet égoïste de Brackish. Il en va de même pour Marcel Maréchal qui s’approprie sans conviction les traits ridés de ce vacillant professeur: malgré son talent inégalable, ce grand acteur ne parvient pas à nous convaincre. Certes il toussote, grogne et s’essouffle mais son Brackish demeure étonnamment en surface et ne réussit pas à accorder ses répliques avec celles de sa partenaire.
Dans cette rencontre entre deux solitudes aigries par le temps, il aurait fallu mettre en scène la dualité des personnages avant de les faire s’apprivoiser si facilement: en effet, les deux protagonistes passent de la haine à la reconnaissance mutuelle sans aucune transition! Cela ôte toute crédibilité à la pièce car il y a autant d’incohérence à voir s’humaniser ce vieil acariâtre de Brackish qu’à entendre Kathleen se résigner si soudainement face à son ennemi de toujours.
Où sont donc passées les nuances et la dramatisation du texte initial? Certes le récit d’Israël Horovitz peut sembler fort simple de prime abord mais c’est une oeuvre qui regorge d’émotion, d’espoir et de petits détails aussi tendres que cyniques. Il faut donc orchestrer cet opus théâtral en s’attachant à toutes ses variations afin que son optimisme puisse s’épandre au-delà de la scène et émouvoir le spectateur.
Dans cette adaptation d’Opus Coeur, c’est en quelque sorte la musique qui sauve la mise car du début à la fin de la pièce, elle transporte l’esprit du public dans une très belle partition de regrets baroques et de souvenirs romantiques.

Opus Coeur : une partition attachante mais qui manque hélas de crédibilité.

Opus cœur
D’Israël Horovitz
Mise en scène Caroline Darnay
Avec Marcel Maréchal et Nathalie Newman

Théâtre du Petit Hebertot
78bis boulevard des Batignolles
Paris 17e
Métro: Rome ou Villier

Jusqu’au 26 avril 2015
Du mercredi au samedi à 21h
Le dimanche à 15h
Locations: 0142931304

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