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José Homs : de l’Angélus à Millénium

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Propos recueillis par Julie Cadilhac – bscnews.fr/ Crédit-photo ©Chloé Vollmer Lo/ Dessinateur et coloriste de bande-dessinée espagnol, José Homs est passé par l’école Joso de Barcelone et a choisi très vite de gagner sa vie grâce au dessin en travaillant pour divers secteurs : publicité, presse, design… il participe ensuite à l’aventure du comics  » Red Sonja » avant de se plonger dans le projet de l’Angelus, une superbe histoire de Frank Giroud.

propos recueillis par

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Voilà le récit d’un homme désabusé par son quotidien, Clovis Chaumel, qui ne comprend pas pourquoi il a fait un malaise à Orsay alors qu’il découvrait le tableau de Millet, l’Angelus. Bouleversé par cette œuvre, il tente d’en savoir plus et découvre que Salvador Dali en a fait de nombreuses versions. De souvenirs personnels en révélations d’histoire de l’art, nous suivons la quête d’un être sur lequel pèse un lourd secret dont il ignore l’existence. Le scénario de Frank Giroud y est aussi enthousiasmant que les dessins de José Homs. Une bande-dessinée incontournable dans sa bdthèque.
De surcroît, la maison d’éditions Dupuis a demandé au dessinateur de participer à l’adaptation en bande-dessinée de la trilogie des romans policiers de l’écrivain suédois Stieg Larsson. Un sacré pari que José a relevé avec talent, intelligence et sagesse. Rencontre avec un artiste à suivre absolument !

Si vous deviez citer des dessinateurs, illustrateurs ou peintres dont le travail vous influence ou – du moins- vous séduit , lesquels serait-ce?
Il y en a beaucoup, beaucoup, et une des choses qui vous fait grandir comme dessinateur est de ne pas arrêter à rechercher et de découvrir de nouveaux artistes qui vous font évoluer et être au courant des nouvelles tendances. Je jouis encore avec la lecture comme quand j’étais enfant et j’essaie d’apprendre de chaque nouveau livre qui tombe entre mes mains, même s’il n’a pas un style similaire au mien. Mais si je dois penser à un auteur qui a provoqué un changement dans ma façon de comprendre les possibilités offertes par ce moyen, je pense que je vous parlerais de Loisel et de sa recherche de l’oiseau du temps. La première bande dessinée adulte que j’ai lue parce qu’au moment où elle est sortie, j’étais très jeune et mes préférences étaient alors orientées vers des auteurs qui faisaient des histoires juvéniles, comme Franquin, Uderzo… qui sont de merveilleux auteurs et utilisent une structure narrative plus classique. Avec Loisel, j’ai halluciné avec sa gestion de la caméra, la profondeur de champ, la composition et le format de vignette.

Avec quels outils et matières concevez-vous vos planches?
Ca dépend de chaque projet, l’Angélus par exemple était en couleur directe parce qu’en traitant la question de l’histoire de l’art il me semblait opportun que le résultat ait le ton traditionnel et chaleureux de la peinture. En revanche pour Millenium, une histoire très sombre, j’ai voulu faire un travail plus spécifique, avec du noir et blanc, et c’est pour cela que j’ai opté de travailler les pages à l’encre et de donner une couleur atmosphérique avec l’ordinateur. En fait j’ai la chance d’avoir vécu la transition de l’analogique au numérique et donc j’ai dû apprendre à fonctionner dans les deux sens ; j’aime varier selon ce que je suis en train de faire sur le moment.

Votre série avec Frank Giroud a eu un très grand succès. Comment a commencé l’histoire de « Secrets – L’Angélus »? Connaissiez-vous auparavant le scénariste?
Je ne le connaissais pas personnellement. En Espagne, il n’y avait pas grand chose sur lui, seulement « el Decálogo ». J’avais laissé mon portfolio à Louis-Antoine (éditeur Dupuis) à Angoulême, et c’est lui qui l’a montré à Frank et ils ont décidé que je pourrais m’intégrer au projet. Ils m’ont envoyé un synopsis très développé du script, et j’en suis absolument tombé amoureux. A partir de là, nous avons commencé à travailler, on s’est rencontré tous les trois à Paris et quand j’ai rencontré Frank, on s’est parfaitement relié et travailler avec lui a été un bonheur.

Comment naissent vos visages? Vous inspirez-vous de modèles?
Je n’ai pas l’habitude de chercher des références réelles lors de la conception des personnages. Parfois il est utile d’évoquer certains acteurs de cinéma ou d’un personnage public pour réaliser la vision du personnage avec le scénariste, mais c’est purement indicatif, je n’aime pas que mes personnages soient liés à une personne connue.

Dans l’Intégrale de « Secrets », on découvre, en fin de volume, diverses propositions de couverture. Beaucoup sont attractives…. comment faire pour trancher ensuite? Vous demandez plusieurs avis?
Normalement je suis d’accord sur la décision de la page de couverture avec l’éditeur et le scénariste. C’est souvent difficile de prendre cette décision et il y a plus d’une proposition que vous aimez et il peut être possible que le scénariste aime un choix, l’éditeur un autre… Normalement on atteint un accord entre les trois, mais dans ces cas je préfère continuer à proposer des idées jusqu’à ce que les trois on dise ensemble : Celle-là, c’est la bonne !

Qu’est-ce qui vous donne envie, de façon générale, d’illustrer une histoire? Comment s’effectue votre choix pour un scénario?
Jusqu’à présent, j’ai été très chanceux en ce sens, les projets qui me sont parvenus, je les ai beaucoup aimés et je n’ai pas hésité à les accepter. Mais il est vrai que parfois il vous vient de nouvelles propositions que vous devez rejeter; à de nombreuses reprises, c’est pour une question de temps et à d’autres c’est parce que simplement le projet n’a pas réussi à vous convaincre. Normalement, j’essaie d’être clair sur ce que sera mon prochain projet, parce que de cette façon quand j’ai fini avec un travail, j’ai ce qui suit déjà sur ma liste et j’évite de passer beaucoup de temps en arrêt. C’est pourquoi j’ai du mal à aller au-delà des propositions déjà inscrites dans mon planning, car j’essaie d’avoir mon emploi du temps commandé à l’avance…même si parfois cela peut varier, comme dans le cas de Millenium, qui m’a obligé à reporter le projet que j’ai commencé à la fin de l’Angélus.

Tout dessinateur n’est-il pas tenté à un moment ou un autre d’écrire son propre scénario? Ou, au contraire, aimez-vous travailler dans un cadre déjà établi par d’autres pour pouvoir mieux créer à l’intérieur de limites imposées?
Il est vrai que cette tentation existe et , en fait, j’ai quelques scripts écrits que j’oserai peut-être un jour reprendre, corriger et dessiner, mais travailler avec un bon scénariste est aussi une expérience que j’aime. Rendez-vous compte qu’écrire – écrire bien – n’est pas si simple, ce n’est pas seulement avoir une bonne idée, c’est savoir développer et exploiter son plein potentiel. Le rythme, les dialogues, donner la vie aux personnages, jouer avec le lecteur… sont un nombre infini de facteurs qui doivent être maîtrisés et que j’essaye d’apprendre petit à petit de chaque écrivain avec qui je travaille.

Vous avez illustré les deux premiers volumes de la trilogie de Millenium adaptée par Runberg; une fiction très différente de celle de « Secrets ». Qu’est-ce qui vous a donné envie de participer à ce projet?
Evidemment je connaissais l’histoire et je voulais aussi travailler avec Sylvain Runberg, donc j’ai aimé l’idée tout de suite, mais ce qui m’a séduit le plus était l’enjeu qu’il y avait pour moi. C’était un pari très fort de Dupuis, une série de grand public, avec des délais de livraison très courts et nous devions être capables de séduire les nombreux lecteurs des romans originaux qui avaient déjà créé une image de l’univers de Millenium. En outre, c’était une formidable vitrine pour montrer mon travail de par la couverture médiatique qu’ils voulaient lui donner dès l’éditorial. La somme de tous ces facteurs m’a amené (non sans quelques vertiges) à m’impliquer dans le projet.

La suite de Millenium est reprise par un autre dessinateur; pour quelles raisons? N’a-t-on pas l’impression d’être un peu dépossédé de ses personnages? Ou justement est-il intéressant de voir d’autres les décliner?
La raison principale était le court délai que nous voulions qu’il y est entre chaque album. Nous voulions qu’un album sorte tous les six mois et faire un autre album pendant ce temps, et, en plus, en prenant en compte que les albums de Millenium sont de 62 pages et pas à la norme de 46, c’était un rythme très difficile à gérer car nous ne voulions pas que la qualité en soit altérée. Je me suis donc engagé pour faire les deux premiers dans ce laps de temps, pour moi c’était important de prendre soin de ces deux complètement pour définir le ton et le style que je voulais donner à la série. C’était un travail très dur et très intense, mais je suis très satisfait par le résultat d’avoir relever le défi. Mais, comme je l’ai dit, gardez ce rythme pour six albums aurait été excessif et donc usant, et c’est pour cette raison que nous avons décidé d’ajouter un autre artiste sur le projet, afin qu’il puisse commencer beaucoup plus détendu pendant que je finissais les deux premiers. En réalité, on cherche toujours ce qui est mieux pour le livre, et ,en ce sens, je suis content de cette décision et on m’a fait l’honneur de pouvoir voir comment un autre dessinateur interprète mes personnages. En ce sens, je crois que Man a fait un excellent travail pour s’adapter à mon style.

La noirceur y est omniprésente et les crimes sont barbares. Vous êtes-vous dit qu’il vous fallait « atténuer » l’horreur du texte dans vos images parce que, justement, l’image peut marquer davantage que le texte?
L’idée de montrer les crimes par le biais de flashbacks était de Sylvain, c’est l’un de ces petits coups de pinceau que Sylvain ajoute et qui différencie notre façon d’aborder cette histoire par rapport aux romans. Pour ma part j’ai vu clairement que si nous montrions ainsi les crimes, ça maximiserait la perversion et l’horreur qu’il existait en eux car ce sont des pages silencieuses qui fonctionnent presque comme des éléments isolés de l’histoire que nous racontons.

Comment sont nés, physiquement, les deux personnages principaux à savoir Mickael Blomkvist et Lisbeth Salander? Les consignes du scénariste étaient très précises? Vous vous êtes donné quelques libertés? Aviez-vous déjà à la lecture du roman une idée assez précise de leur apparence?
En réalité j’ai eu suffisamment de liberté créative, on ne m’a jamais imposé un style ou une technique en particulier et avec les personnages idem. J’ai fait quelques tests mais nous savions clairement où nous voulions aller, et donc tout de suite nous nous sommes mis d’accord. Je pense que pour tous, la clé du succès était dans le personnage de Lisbeth, si elle marchait bien, le reste le ferait aussi .

Enfin, travaillez-vous sur d’autres projets en ce moment? Avez-vous des projets uniquement avec Dupuis ou en Espagne vous publiez également des ouvrages ?
J’ai déjà débuté mon prochain projet, mais je ne peux pas encore en parler. En Espagne, je travaille principalement dans l’illustration ou parfois sur des histoires courtes pour des anthologies qui me permettent d’expérimenter de nouvelles approches et techniques qui peuvent ensuite s’intégrer dans mon travail de BD.

Titre de la série : Millenium
D’après Stieg Larsson
Editions: Dupuis
Scenariste: Runberg
Déjà parus: 2 tomes  » Les hommes qui n’aimaient pas les femmes » – Dessins: José Homs
Déjà paru: 1 tome –  » La fille qui rêvait d’un bidon d’essence et d’une allumette » Dessins: Man
Prix d’un tome: 14,50€

Titre: Secrets- L’Angélus / L’intégrale
Editions: Dupuis
Collection: Dupuis  » Grand Public »
Scénario: Frank Giroud
Dessins: José Homs
Prix: 24€

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