munuera

José Luis Munuera : la précision du trait d’un natif espagnol de talent

Partagez l'article !

Par Julie Cadilhac – bscnews.fr/ Né dans le Sud de l’Espagne, après des études de Beaux-Arts à Grenade, José Luis Munuera devient dessinateur d' »historietas » en Espagne puis, très vite, se rend à Angoulême.

propos recueillis par

Partagez l'article !

Il travaille alors avec Joann Sfar pour Delcourt et crée la série Potamoks. Ils inventent ensemble ensuite les aventures de Merlin pour Dargaud. Le scénario est ensuite repris par Jean-David Morvan qui va devenir un collaborateur artistique important pour le dessinateur. Ils font notamment renaître pour Dupuis leur mascotte: le groom Spirou. Si Munuera voit son trait souvent félicité pour ses albums de bd, il travaille également depuis longtemps sur des projets jeunesse dont notamment la série P’tit Boule et Bill. Il donne à la série Sortilèges une séduction toute particulière…Dans un Moyen-âge où la magie est reine, ses visages, ses paysages et ses scènes de bataille exercent un envoûtement sur le lecteur qui ne faillit pas. Page après page, on jouit de la précision de son trait et de sa capacité à créer une ambiance fantastique, magnifiée par les couleurs de Sédyas. Rencontre enthousiaste donc avec un dessinateur incontournable!

Qu’est-ce qui vous a séduit, d’abord, dans le scénario de Sortilèges?
Déjà le fait de travailler avec Jean Dufaux! Le métier du dessinateur se fait aussi des rencontres, et avec Jean, j’avais le ressenti d’avoir des choses en commun, des envies convergentes… Ensuite, bien sûr, la nature propre de l’histoire. Je suis attiré par les contes traditionnels depuis toujours, par les origines de nos histoires, et là, je savais que Jean allait bousculer les codes!

Quelles ont été vos sources d’inspiration pour dessiner les personnages? Les paysages? Et les batailles?
Pour les personnages, j’ai mon petit groupe d’acteurs, ma « compagnie de papier » qui est un peu sur toutes mes histoires, comme une compagnie de répertoire… j’adore cette liberté qui t’est donnée quand tu connais bien tes personnages car, du coup, tu peux te centrer sur d’autres sujets parce que tu sais qu’ils vont bien jouer leur rôle! Par exemple, je peux me concentrer sur les paysages, que j’aime tant à dessiner, et pour lesquels je me laisse inspirer par la peinture romantique du XIX, Friedrich, Turner, Constable, Blake, et bien sûr, par Goya et ses sorcières, ses monstres, ses mystères… En contraste, pour les batailles, j’essaie de reproduire le souffle épique d’un certain néoclassicisme, un certain type d’illustration, des gravures mais aussi du XIXème siècle…qui ont un sens « opéristique » de la mise en scène.

Dessiner un scénario se déroulant au Moyen- Age et nimbé de merveilleux , c’était une première?
Non, au contraire. Depuis mon étape « Merlin » avec Joann Sfar et Morvan, où même Le Signe de la Lune, ces atmosphères sont bien présentes dans mon travail. D’ailleurs, je me sens très à l’aise sur ce genre de paysage, d’ambiance, un peu chaotique, un peu sauvage, bricolée, où il n’y a pas une seule ligne droite et dans laquelle la nature lutte avec l’architecture en permanence !

Cet album utilise le procédé d’imprimerie de la quadrichromie…est-ce le procédé qui s’adaptait le mieux et naturellement à votre univers graphique? Donnez- vous des indications sur les couleurs à appliquer sur vos dessins ou Sédyas a une entière liberté à ce sujet?
Je donne à Sedyas un fichier où toute la gestion de la lumière, les matières et les volumes, sont déjà mises en place, son travail étant de mettre des aplats de couleur par dessus: un travail pas évident et pas facile du tout! L’idée avec ce processus c’est de me permettre un contrôle total sur la gestion de la lumière et le modelé, laissant à Sedyas la lourde tâche de raconter chromatiquement l’histoire!

Quels matériaux , outils et supports utilisez- vous pour faire vos planches?
Je procède sur ma planche de façon « traditionnelle » avec de l’encre de chine. Là-dessus, je pose un premier jeu de lumières à l’aquarelle. Cela fait, on passe la planche à l’ordinateur, où on la finit, on fait le travail de postproduction, en ajoutant de la matière, de la profondeur de champ, des effets spéciaux, etc. Sur cet « original » en blanc, noir et gris, Sedyas opère sa magie à lui, ses sortilèges, en donnant des couleurs à l’ensemble!

Dans le tome 2, vous utilisez souvent des vignettes « en bandeaux », privilégiant la hauteur à la largeur…pourquoi?
Cela dépend du sens de la séquence, du type de rythme qu’on voudrait imposer au lecteur. En réalité, c’est ça tout l’art de la BD: utiliser ses codes pour faire passer une idée du rythme, pour manipuler le lecteur pour qu’ il suive le récit… à la différence du cinéma, où les histoires sont racontées dans un laps de temps donné, la BD se raconte dans un espace donné (la planche). La façon de disposer les images sur cet espace, c’est un peu comme la durée du plan sur l’écran au cinéma, c’est notre travail de montage.

Blanche d’Entremonde, Maldoror, Miranda, Horibili…comment naissent vos personnages? Jean Dufaux en avait-il fait une description préalable? Êtes- vous du genre à faire un nombre incalculable de croquis , à tâtonner…ou vous ne dessinez que lorsque le personnage est déjà net dans votre esprit?
Moi, je ne fais pas de croquis, je me lance sur la planche! Mais attention, je ne me lance que lorsque je connais bien mon sujet, mes personnages, quand j’ai répété d’innombrables fois dans ma tête le scénario et que je le connais par coeur! Jean me propose toujours une description du personnage, mais c’est à moi de le trouver. Et cette trouvaille, elle vient chez moi par le mouvement, la façon de bouger, de jouer… du personnage, bien plus que par son physique. Disons que le physique donne une prémière description exterieure du personnage au lecteur (et là, il faut qu’il soit bien tipé!), mais c’est son travail d’acteur qui va le rendre crédible ou pas à la fin.

Enfin… travaillez- vous sur d’autres scénarios en même temps que Sortilèges ou ce type d’album est chronophage et vous empêche de vous confronter à un autre univers en même temps?
Je travaille toujours sur plusieurs dossiers en même temps. C’est même très important pour ma façon à fonctionner, justement parce qu’il me faut un temps énorme pour bien imaginer les images avant même de les dessiner. Je dessine d’autres choses tandis que j’imagine mon petit film dans ma tête. Cela me permet aussi d’avoir toujours une certaine fraîcheur par rapport au travail, être toujours disponible à la surprise, à la rencontre mystérieuse qui se fait sur la planche…

SORTILÈGES
CYCLE 1 – TOME 1 & 2
scénariste (s) : Dufaux Jean
dessinateur (s) : Munuera Jose Luis
Prix : 14,99 € par tome
Editions Dargaud

A lire aussi:

Philippe Richelle et les Mystères de la République

Jean Dufaux : un alchimiste du scénario au propos inspiré

Pascal Rabaté : un livre-accordéon hommage à Hitchcock, Tati, Alexis et Simenon

Jean-Luc Istin et Elfes: 5 peuples, 5 scénaristes, 5 dessinateurs, 1 seul univers

Valérie Mangin , Honoré de Balzac et Henri-Georges Clouzot : question de mises en abyme

Il vous reste

0 article à lire

M'abonner à