D’humour et pas que d’eau fraîche

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Par Marc Emile Baronheid – bscnews.fr/ Ses nuances sont multiples . Plus il est noir, plus il est gai. L’humour en temps de crise est une valeur autrement sûre qu’un compte singapourien. Surtout s’il est involontaire. L’édition continue de le courtiser avec amour, ce qui n’exclut ni intelligence, ni sensibilité, ni politesse.

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Les soixantièmes goguenards. Ne dites pas que l’humour n’a pas de prix, ce serait méconnaître – et donc leur faire injure – les Grands prix de l’Humour noir. Décernés pour la soixantième fois, ils ont distingué Quentin Faucompré (Prix Grandville pour Tarot de Mars paru au Dernier Cri), Jonathan Lambert pour son spectacle Perruques, et le très médiatique Jaime Monstrela, prix Xavier-Forneret pour Contes liquides (éditions de l’Attente), des textes traduits par ce grand passeur d’idées d’ Hervé Le Tellier, amnésique multirécidiviste, pas tout à fait étranger à la poussée de botulite qui hébéta la France en 2010. Le Tellier méconnaît le portugais, ce qui sous-tend vraisemblablement la contagieuse liberté avec laquelle il a traduit la partie émergée de l’œuvre d’un Lisboète voyageur qui séduisit Marguerite Yourcenar, entreprise soi-disant vouée à l’échec mais, à n’en pas douter, mémorable expérience olfactive. Passablement débridée, la cérémonie, pleine de verve, voyait une multiplication des oraisons jaculatoires. Elle se tenait en outre à deux pas d’une vitrine consacrée à Maurice Carême, Prince des Poètes, chantre du quotidien placide. Le poids des mots ; le choc des ex-voto.

Le néo-libido-libéralisme. Un siècle de passes à elles deux ! Les jumelles néerlandaises Martine et Louise Fokkens ont été conjointement actives, durant plus de cinquante ans, dans le commerce du charme. En Hollandaises avisées, elles avaient le sens du florin et privilégiaient le chant mélodieux de la tirelire à la gratuite beauté du geste. A 17 ans, Louise se retrouve enceinte de Willem qui la destine au turbin. Martine ne met pas longtemps à comprendre la recette de la tarte tapin. Et vogue la galère… Rapidement autonomes, elles vont mener leur barque avec sagacité. Naturel et détachement caractérisent un chapelet de souvenirs remontant au début des années soixante, pas toujours roses mais marqués au coin de l’humour, telle l’évocation de cet habitué dit le courant d’air , jamais « long à venir » car perpétuellement pressé de rentrer avec le même ticket de tram pour ne pas avoir à repayer la course. Les sœurs se retireront en beauté, non sans avoir valorisé leur patrimoine commercial. Le porte-jarretelle s’accommode du bas de laine.

Un prince du contrepet. Reconnaissable à son phrasé saccadé (on a fait mieux, depuis, à l’Elysée) et à son style loufoque (toute ressemblance avec des parenthèses précédentes serait purement illusoire), Boby Lapointe a composé des chansons uniques en leur genre, entre calembour et contrepèterie, et vénérées aujourd’hui encore. Un Abécédaire arrache au purgatoire cet ami de Brassens, employé à l’écran par rien moins que Carné, Truffaut, Sautet, Granier-Deferre. Leurs contemporains engoncés dans le suivisme et les conventions mènent souvent la vie dure aux électrons libres. Les éclats de rire, les élans du cœur, les sursauts loufoques de Boby se payaient peut-être au prix fort, mais quel bel héritage il nous laisse, d’autant que « les pisse-froid et les puristes n’y ont pas trouvé leur compte » (Frank Tenaille). Brigitte Fontaine y va d’une réelle incitation aux ondoiements branquignolesques, dans son hommage à « Un sacré zigoto, inventif, inspiré, le roi de la déconnade impeccable, du non-sens ingénieux, de la farce miraculeuse ». What else ? Un volume judicieusement orchestré par Chloé Radiguet.

« Les Demoiselles d’Amsterdam, jumelles et prostituées », Martine et Louise Fokkens , Fleuve Noir, 14,90 euros
« C’est bon pour c’que t’as », Chloé Radiguet, Cherche Midi, 17 euros

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