Winston Churchill : « Nous sommes tous des vers,mais je crois que je suis un ver luisant »

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Par Régis Sully – bscnews.fr/ Churchill n’est pas un inconnu pour les Français. Ces derniers ont encore en mémoire l’image d’un homme avec son éternel cigare faisant le v de la victoire.

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Ils se souviennent des mots utilisés lors de son discours à l’adresse de tous les Britanniques, le 13 mai 1940, devant la chambre des communes : « je n’ai rien d’autre à offrir que du sang, de la peine et des larmes. » Ils se remémorent également le discours de Fulton en 1946 « Une ombre s’est répandue sur la scène si récemment illuminée par les victoires alliées (…) De Stettin sur la Baltique à Trieste sur l’Adriatique, un rideau de fer est descendu sur le continent. » Reste donc le souvenir d’un homme qui a refusé de plier devant l’Allemagne nazie, reste également le souvenir d’un homme qui a pris conscience très tôt d’une réalité désagréable : la division de l’Europe à l’issue de second conflit mondial.
Cette remarquable biographie, d’une lecture agréable, permettra au lecteur d’aller plus loin, d’approfondir ce que l’on pressentait, mais aussi de découvrir des aspects méconnus de cet homme politique hors norme. D’ailleurs n’en avait-il pas conscience lorsqu’il déclarait lors d’un dîner mondain à Violet Asquith, une amie, « Nous sommes tous des vers ; mais je crois que moi, je suis un ver luisant.» Ce rejeton d’une illustre famille, né en 1874 – il est le descendant du duc de Marlborough vainqueur à plusieurs reprises des troupes de Louis XIV- a fait des études médiocres. Il en sortira lieutenant dans la cavalerie. Winston Churchill a aimé deux choses dans la vie : la guerre et la politique. Il va, de sa propre initiative, combattre successivement à Cuba aux côtés de l’armée espagnole, puis en Inde où délaissant la quiétude de la vie de garnison, guerroyer au nord du pays. Puis il poursuivra les combats au Soudan et surtout en Afrique du Sud où il s’illustre particulièrement lors de la guerre contre les Boers. Se battre ne lui suffit pas, il écrit aussi dans les journaux anglais ce qui exaspère sa hiérarchie. Ses exploits guerriers et ses écrits assoient sa notoriété en Angleterre et fort logiquement il est élu à la chambre des communes en 1900, il n’a que 26 ans ! C’est un député individualiste qui prend soin de faire état de son opinion, bref un rebelle à la discipline d’une organisation politique. Aussi, élu du parti conservateur il le quitte pour rejoindre les Libéraux. Son éloquence, sa boulimie de travail font qu’à 32 ans, il entre au gouvernement comme vice ministre des colonies, engloutit les dossiers, consulte les experts et foule allègrement les domaines de ses collègues du gouvernement. À 33 ans, il devient ministre du commerce dont la compétence s’étend au travail et à la législation sociale où il accomplira sur le plan social et budgétaire une action digne de l’aile gauche du parti travailliste. Qu’on en juge, pour financer un plan social audacieux, il va défendre « le budget du peuple »qui prévoit la création d’un impôt supplémentaire sur les gros revenus, l’évaluation des grands domaines en vue de leur imposition, la taxation des plus-values, l’augmentation des droits de succession,le relèvement des taxes sur le tabac, l’alcool et les débits de boisson. Cher lecteur, je vous rappelle que nous sommes en 1909 et que ce budget est défendu par un libéral qui regagnera un peu plus tard le rang des conservateurs. Il occupe par la suite d’autres postes ministériels, notamment celui de l’Amirauté en 1911. Lui qui rêvait de commander une armée va diriger l’ensemble des unités navales de sa majesté, il est, donc, responsable de la sécurité des îles britanniques et de l’Empire. Conscient des menaces qui pèsent sur la paix, il fait voter, en 1914, le budget naval le plus considérable de l’histoire britannique. Les aléas de la guerre, les règlements de compte bassement politiques font qu’en pleine tourmente Churchill n’est pas reconduit au gouvernement en mai 1915. Il va se consoler dans tranchées, sous le feu de l’ennemi dans la région d’Armentières, lui l’ancien ministre ! Désormais, Churchill bénéficie d’une excellente réputation d’homme de guerre. Il milite pour la suspension des offensives coûteuses en vies humaines et pour l’attente des Américains. Pendant l’entre-deux-guerres, Churchill est un homme isolé sur le plan politique car il se distingue de la majorité des élus favorable à une politique d’apaisement à l’instar de Neville Chamberlain signataire des accords de Munich (1938). Churchill, avec d’autres, les condamne en termes très vifs se coupant ainsi d’une opinion publique à très grande majorité pacifique. Puis, l’appétit de Hitler pour les pays voisins aidant, la situation est-elle qu’en septembre 1939 la guerre est déclarée. Churchill, comme vingt-cinq ans plus tôt, entre au gouvernement comme premier lord de l’Amirauté. Fort logiquement le 10 mai 1940, il devient Premier Ministre à cause de la déroute de l’équipe précédente qui n’arrive pas à se résoudre à faire vraiment la guerre. Son entêtement à ne pas engager des pourparlers de paix avec l’Allemagne nazie en 1940, alors que la France est hors de combat, alors que l’Angleterre affaiblie est isolée, reste l’acte le plus remarquable de sa carrière et en fera un des grands hommes du XXe siècle. Dans un discours du 4 juin 1940, en ces heures tragiques, il affirme avec force et avec éloquence sa volonté de poursuivre la guerre au point de faire pleurer certains députés travaillistes. Toujours ce pouvoir du verbe.Devant un tel homme, l’auteur porte malgré tout un regard critique soulignant au fil des pages les manquements, l’amateurisme ou les défauts du personnage. Ses erreurs sont multiples soulignons, entre autres, celle de soutenir Tito dans le maquis yougoslave, dupé par le personnage, celle de s’être inféodé à Roosevelt. Par ailleurs sa responsabilité est engagée dans le bombardement de Dresde qui a fait près de 100 000 morts mais l’auteur s’empresse de l’excuser au moins partiellement, les villes anglaises n’avaient-elles pas été bombardées pendant près de 5 ans ! Le 26 octobre 1951 le voilà à nouveau Premier Ministre (77ans) et ce jusqu’au 5 avril 1955 alors que son état de santé ne lui permet plus d’exercer cette charge et pourtant il s’accroche, à tort. Personnage excessif certes mais ô combien fascinant. Gardons en mémoire le coup de sang de Churchill lors d’un banquet pendant la conférence de Téhéran (novembre 1943)où Staline propose de fusiller 50000 officiers afin d’anéantir définitivement le militarisme allemand. C’est une plaisanterie ! Staline l’a faite, Roosevelt l’a appréciée, Churchill, lui n’admet pas ce genre d’humour parce qu’il garde Katyn en mémoire !
Au-delà de cet homme, cette passionnante biographie nous renseigne sur la capacité de la démocratie parlementaire et des hommes politiques qui l’animent à faire face à des situations d’une extrême gravité. Une interrogation surgit inévitablement : en France, comment le régime parlementaire et le personnel politique se sont-ils comportés ? De nouvelles lectures ou relectures en perspective !

Titre: Winston Churchill
Auteur: Françoise Kersaudy – Editions: Tallandier
27 €

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