Photographie : Le Valais dans toutes ses nuances

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Par Julia Hountou – bscnews.fr / Après le succès de Transhumance, premier thème annuel de l’EnQuête photographique valaisanne eq2, ponctué par une exposition et une publication, dix photographes du monde entier ont su dresser un portrait inédit de ce canton du Valais (Suisse) et de ses habitants autour d’un mot aux multiples facettes. Sous l’appellation Nuance, eq2 s’expose en trois volets durant l’année 2012-2013, d’abord à Monthey, puis à Sierre et Sion (Suisse). Un catalogue d’exposition est publié lors du vernissage à l’occasion de l’exposition au Théâtre du Crochetan (Monthey, Suisse), du 29 septembre au 30 novembre 2012.

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Nuance propose les œuvres de dix photographes valaisans, suisses et français (Raphaël Delaloye, Michel Delaunay, Matthieu Gafsou, Robert Hofer, Julie Langenegger Lachance, Mélanie Rouiller, François Schaer, Daniel Stucki, Pierre Vallet, Caroline Wagschal) issus d’horizons différents. Chacun d’eux met en évidence des aspects essentiels de cette notion de nuance à travers ses photographies, tout en faisant dialoguer celles-ci. Dessinant un portrait modulé du Valais d’aujourd’hui, les multiples perceptions se présentent comme autant d’invitations à s’interroger sur le « visage » actuel du canton.
La diversité des approches et des techniques tend vers un but commun : scruter les différentes facettes de la nuance en Valais. Les portraits, les photographies de bâtiments et les paysages permettent de décliner les tonalités sociales, entrepreneuriales, architecturales, géographiques mais également spirituelles. Ces images laissent ainsi percevoir d’imperceptibles gradations inscrites dans les visages et les attitudes, les vêtements, les édifices quelle que soit leur vocation, les décors montagneux, les ressources naturelles, dans une exaltation de la subtilité. Là réside la richesse humaine et patrimoniale de la communauté valaisanne, dont les manifestations sont issues d’un même terroir, d’une même culture.
Comment le social décline-t-il les nuances ?
Le monde du travail est source de dynamisme et d’échanges. Au sein du canton, des liens étroits unissent tissu industriel et territoire, comme en témoignent les images de Robert Hofer. Dans son reportage photographique, il inventorie par le biais de son objectif le mot « Valais » utilisé par les entreprises du canton pour interroger la notion même d’identité valaisanne. Jouant sur les deux syllabes de ce nom, ces établissements font état, par le biais de leur raison sociale, d’une appartenance assumée ; ce sont autant d’individualités et de nuances pour un unique toponyme. Dans un souci de privilégier le potentiel humain, ses photographies associent en binôme un portrait d’un ou d’une employé(e) et une image des bâtiments dotée de son logo.
Activité fédératrice, puissant vecteur de communion, le sport tient une large place en Valais. Dans sa série photographique intitulée Rouge & Blanc – en référence aux couleurs du drapeau valaisan et à une chanson des supporters du FC Sion -, Julie Langenegger Lachance réalise trois portraits de cinq footballeurs de ce club, le seul réunissant le Haut et le Bas-Valais. Ces photographies visent à souligner comment, en tenue de ville ou dans leurs habits de sport, sur le terrain ou dans des environnements plus déroutants, ces jeunes hommes, qui font la gloire de leur équipe et du canton tout entier, fusionnent sous une même bannière l’hétérogénéité de leurs parcours et de leurs origines.
Témoignant d’un attachement aux traditions musicales valaisannes, Daniel Stucki réalise dans son atelier des portraits de membres de différentes fanfares représentatives du canton. La nuance joue ici un rôle essentiel : elle permet de distinguer le caractère propre, de définir les singularités revendiquées de chacune de ces formations. Celles-ci se présentent ainsi selon des facteurs d’ancienneté ou au contraire de nouveauté, de sexe et d’âge des musiciens, d’excellence ou d’appartenance aux catégories les plus modestes. Dans un refus des photographies traditionnelles d’harmonies, le photographe décontextualise les prises de vues, avec des portraits réalisés en studio, sur un fond gris, en l’absence d’instruments, afin de révéler avant tout la diversité des costumes et la fierté d’appartenir à un prestigieux ensemble que traduisent le regard et la posture des instrumentistes.
Désireux de montrer la nuance apportée par le spirituel, Raphaël Delaloye a choisi quant à lui d’illustrer le thème de la foi. Par le biais d’une série photographique Courir pour Dieu, vies de politiques engagés, il aborde la question complexe des rapports entre religion et vie publique. Il se penche sur l’engagement politique vécu au quotidien à la lumière de la foi catholique. Son reportage porte sur sept personnes dont les responsabilités publiques concernent les trois pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire) et les principaux champs politiques (éducation, éthique, médias, santé, social, sécurité et finances). Leur ferveur religieuse les conduit à un engagement généreux au service de la communauté.
La nuance, richesse de l’architecture
L’environnement domestique dévoile souvent la personnalité de l’occupant des lieux. Aussi Caroline Wagschal s’est-elle penchée sur cinq (ou six) intérieurs de maisons et appartements valaisans, afin de restituer les nuances, à fleur d’espaces et d’objets, de ces différents décors intimes. Attentive au moindre détail, la photographe a tenté de saisir l’âme de chaque habitation, les infimes vibrations qui lui confèrent un caractère unique.
Mélanie Rouiller se glisse elle aussi dans des intérieurs, ceux-ci étant, au contraire des précédents, marqués par un certain anonymat. Sous le titre De passage, elle explore l’univers des motels, en marge de la centralité normative et visible des villes. Sa quête la mène sur les routes cantonales valaisannes, de Saint-Gingolph à Brig et propose sous un autre angle l’offre touristique helvétique traditionnelle. Son objectif s’attarde sur ces établissements, résurgences de ses plus lointains souvenirs de vacances, dont les images offrent un dégradé allant d’une réalité monotone aux frontières d’un fantastique inattendu.
A la recherche des multiples nuances paysagères
A travers sa série photographique Sur les pas de Maître Zacharius (1), Michel Delaunay suit quant à lui, le dernier paragraphe du texte de Jules Verne pour réaliser des images « évocatrices » de ce récit, conciliant les descriptions imaginaires du passé et la réalité d’aujourd’hui ; la nuance se situe entre le récit et sa transposition actuelle. Elle reflète le caractère polysémique de l’image, du regard, et s’inscrit dans la liberté expressive et visuelle du photographe comme de l’écrivain.
Les Alpes font partie de l’identité nationale helvétique. Outre les écrivains, elles fascinent tout un chacun par leur beauté majestueuse, tel en Valais, où l’environnement exceptionnel ne peut manquer de susciter l’intérêt. C’est pourquoi ce thème apparaît incontournable pour un photographe, de surcroît suisse. Captivé, Matthieu Gafsou s’immerge dans les Alpes valaisannes. A travers ses images qui combinent détails infinitésimaux et vaste étendue montagneuse, le photographe témoigne à la fois de la splendeur du paysage alpin et de la violence qu’il subit ; il souligne la conception émergente des rapports contradictoires de l’homme et de la nature. Simultanément à cette magnificence, il montre les effets destructeurs de l’activité humaine : l’élan « romantique » qui porte le voyageur vers la montagne, source de paix et d’harmonie, a fait place au tourisme de masse.
Les sommets alpins évoquent également l’inaccessible, aussi l’imposant Mont Rose ne se révèle-t-il qu’à un petit nombre. Cette enquête photographique a en effet posé des contraintes physiques et techniques en raison d’un milieu hostile dont l’accès nécessite une solide préparation. Faisant fi des difficultés, Pierre Vallet choisit de capturer les multiples facettes de la cabane du Mont Rose, la construction alpine la plus moderne au monde, située à 2 883 mètres d’altitude, au cœur d’un environnement offrant des vues spectaculaires. Il montre, à travers ses clichés, comment les nouvelles technologies s’allient aux formations orographiques immémoriales emblématiques du Valais, entre singularité et harmonie.
Comme la montagne, l’eau est indissociable du Valais. Sous le titre D’une eau à l’autre, François Schaer travaille donc sur ce thème. Indispensable source de vie, elle se décline sous des formes variées dans le canton où des symboles lacustres, aquatiques ou navals figurent sur les armes ou drapeaux de nombreuses communes. Des flots tumultueux du barrage de la grande Dixence actionnant les turbines de l’usine de Bieudron à l’eau thermale apaisante des Bains d’Ovronnaz, en passant par les canons à neige des pistes de ski, le photographe saisit les multiples nuances de l’eau afin d’en illustrer les aspects économiques, politiques, énergétiques, sociaux, culturels, touristiques, écologiques…
En s’attardant sur les multiples « figures » du canton, ces dix photographes en révèlent la richesse et les modulations selon autant d’approches sensibles distinctes et complémentaires. Ils nous proposent ainsi une réflexion sur les nuances en Valais, en dévoilant ses dimensions insolites, et nous invitent à poser à notre tour un regard différent sur ce qui nous entoure.

[1] Maître Zacharius ou l’horloger qui avait perdu son âme est un conte fantastique de jeunesse de Jules Verne, paru en 1854, dans lequel l’écrivain se livre à une relecture du mythe de Faust.

(crédit photo Afonzo Guilherme de la série Rouge et Blanc
© Julie Langenegger Lachance pour eq2 )

L’ENQUÊTE PHOTOGRAPHIQUE VALAISANNE (eq2) A LE PLAISIR DE VOUS CONVIER A L’EXPOSITION « NUANCE »
DU 29 SEPTEMBRE AU 30 NOVEMBRE 2012
AU THEÂTRE DU CROCHETAN, A MONTHEY, SUISSE
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THEÂTRE DU CROCHETAN : Rue du Théâtre 6 – 1870 Monthey, Suisse.
Tél. : +41 (0)24 475 79 11
HORAIRES : lundi-vendredi, 9h – 12h, 14h – 18h
+ les soirs de spectacles 14h – 23h/minuit
http://www.crochetan.ch/index.php?option=com_content&;view=article&id=1733&Itemid=568

eq2 / enQuête photographique valaisanne : http://www.eq2.ch/

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