Le dernier brame: une étreinte majestueuse entre littérature et bande-dessinée

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Par Julie Cadilhacbscnews.fr/Colette, Claudine, Bernard et le prince des cerfs…quatre protagonistes victimes de la fragilité du destin. Claudine admire éperdument Bernard Chalenton, l’auteur à succès dont le livre « Monsieur Blanche » ne la quitte jamais.

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Claudine s’oublie dans l’Autre et fuit la réalité dans des fantasmes qui l’aveuglent. Bernard aime le statut charismatique que lui offre son nom d’auteur, les belles femmes et les moments enivrants où il ressent tout son magnétisme sauvage de mâle dominant sur les femelles qu’il convoite. Le prince des cerfs, maître dans la forêt autour de l »immense château, est depuis de nombreuses années le vainqueur de tous les combats de bois et déjoue les tentatives des rivaux qui tentent de le supplanter; cependant le Seigneur des « fantômes de la forêt » ressent les premiers signes de ravalement qui annoncent déjà son déclin. Colette Chanteclerc, enfin, est une jeune femme meurtrie, qui a grandi dans une famille d’accueil, héritière d’une mère biologique emmurée dans un silence inexpliqué et d’un père inconnu. Quels liens entre ces personnages? l’instinct de reproduction, de conservation, de soumission, de domination qui rappelle aux hommes qu’ils sont des êtres de chair et de besoins primitifs.

Dans cette bande-dessinée, J.C Servais rend un superbe hommage à la nature et y mêle une note littéraire opportune. Les extraits de romans qui s’immiscent au creux des vignettes ajoutent une touche sensuelle palpable. Si l’animal répond à des lois dictées par les saisons et l’instinct de reproduction, le désir des hommes, a priori, n’a pas de règle établie: dans ce récit, le fantasme naît de cette touche de mystère distillée dans les livres…et, en effet, Bernard Chalenton sait dans ses fictions réguler le suspense, ménager l’attente et le désir du lecteur d’en savoir davantage. Celui qui a le pouvoir des mots peut aisément mettre sous son joug l’admiratrice trop zélée qui oserait s’approcher d’un peu trop près….

Or Bernard Chalenton, malgré son dernier bestseller qu’il a éhontément plagié, sent son aura d’auteur décroître. Si le monde animal est immédiatement implacable avec la vieillesse,l’esprit humain réussit tant bien que mal à déjouer le temps….mais peu de temps. Ensuite il faut accepter de pousser un dernier brame et laisser la place aux forces vives… qui reproduiront sans doute les mêmes erreurs que leurs prédécesseurs.

Une bande dessinée au graphisme superbe, des textes de qualité dont des extraits de romans empruntés à deux auteurs, Alain Bertrand et Frank Andriat, et des références au brame des cerfs documentées fort intéressantes. Un récit passionnel qui sait ménager un scénario bien rythmé et des moments de rêverie d’une séduction primitive attirante.

 » L’altercation est immédiate. Le corps à corps est serré, les ramures se mêlent, les dos s’arc-boutent, les jambes s’écartent pour trouver un meilleur appui sur le sol. Je me suis levé pour mieux les voir. Leur odeur musquée monte jusqu’à moi et m’enivre. »

Titre: Le dernier brame

Editions: Aire Libre/ Dupuis

Auteur: J.C Servais

Prix: 16,50 euros.

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